
05 Mai 2025 Les évaluations internationales dans l’éducation : qu’apprenons nous sur le niveau des élèves français ?
Dans un monde où l’éducation façonne l’avenir des sociétés, comprendre le niveau des élèves français à l’échelle internationale est essentiel. Au fil des éditions, les diagnostics s’accumulent et dressent un tableau souvent alarmant. « Classement PISA : La France dégringole plus que les autres en maths », titrait L’Echo en décembre 2023. « La France appartient au club des pays où les inégalités sociales exercent la plus grande influence sur les parcours scolaires », alertait également l’Observatoire des inégalités. Mais qu’en est-il réellement lorsqu’on analyse ces résultats en détail ?
Trois évaluations internationales majeures en éducation
Trois évaluations majeures structurent aujourd’hui le paysage de l’évaluation internationale en éducation : TIMSS, PIRLS et PISA.
- TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study), organisée par l’IEA (International Association for the Evaluation of Educational Achievement), mesure les savoirs et compétences en mathématiques et en sciences des élèves de CM1 et de 4ème tous les quatre ans. La France a participé aux premières éditions de 1995 puis s’est retirée des cycles pour ye revenir en 2015 (CM1) et 2019 (4e).
- PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study), également menée par l’IEA, évalue la compréhension de l’écrit chez les élèves de CM1 tous les cinq ans, et la France y participe depuis 2001.
- PISA (Programme for International Student Assessment), piloté par l’OCDE, analyse les compétences essentielles des élèves de 15 ans en mathématiques, compréhension de l’écrit et sciences tous les trois ans, en mobilisant aujourd’hui environ 85 pays.
Contrairement à TIMSS et PIRLS, qui s’appuient sur les programmes scolaires et évaluent les connaissances acquises en classe, PISA adopte une approche plus globale en examinant la capacité des élèves à mobiliser leurs connaissances dans des situations concrètes de la vie quotidienne. Cette distinction reflète une différence d’objectif : TIMSS et PIRLS visent à mesurer ce que les élèves ont appris à l’école, tandis que PISA cherche à évaluer comment ces acquis peuvent être appliqués dans le monde réel, soulignant ainsi les compétences essentielles à la vie adulte.
Une performance mitigée de la France en mathématiques
Les résultats des élèves français en mathématiques révèlent une situation préoccupante, mais nuancée selon l’évaluation considérée.
D’une part, les résultats des élèves français aux tests TIMSS sont alarmants. En mathématiques, la France figure parmi les pays les moins performants de l’OCDE. À l’évaluation de CM1, les élèves français affichent un score de 484 points, soit 41 points de moins que la moyenne de l’OCDE (525 points). En classe de 4e, l’écart demeure significatif, avec 479 points contre 507 en moyenne. Cette situation perdure depuis 2015, sans aucune amélioration notable ni dans le score moyen des élèves, ni dans leur positionnement par rapport aux autres pays. Cette année-là, la France occupait l’avant-dernière place parmi les 25 pays européens participant à l’étude et en 2023 nous nous placions 28e sur 32 (niveau CM1).

Les scores obtenus à PISA appellent à nuancer le catastrophisme supposé par TIMSS. En effet, la France se situe dans la moyenne du classement PISA en mathématiques, avec un score de 474 points, similaire à la moyenne des pays de l’OCDE (472 points), ce qui la place au 17e rang sur 34 en 2022. Cependant, à l’inverse de l’étude TIMSS, PISA met en évidence une baisse importante des résultats en mathématiques, avec une chute de 37 points sur les 20 dernières années, dont 21 points entre 2018 et 2022. Cette chute drastique des performances s’explique en grande partie par les effets de la crise du Covid-19, qui a impacté les résultats des élèves dans tous les pays participants, entraînant une baisse moyenne de 20 points. Ainsi, la France n’est pas une exception dans cette tendance à la baisse, contrairement aux idées largement répandues, elle suit la dégringolade des autres pays de l’OCDE.


Les mêmes inquiétudes s’observent en compréhension de l’écrit
En compréhension de l’écrit, les évaluations PIRLS et PISA confirment globalement les tendances observées en mathématiques, à quelques exceptions près. En CM1, la France figure toujours en bas du classement européen dans PIRLS, avec un score de 514 points, contre 527 points en moyenne pour les pays de l’OCDE. Toutefois, l’écart avec la moyenne reste moins marqué qu’en mathématiques. En termes d’évolution, la France a fait preuve de résilience entre les deux dernières éditions de PIRLS (2016 et 2021), malgré l’impact de la crise du Covid : ses résultats ont progressé de 3 points, alors que la moyenne de l’OCDE a chuté de 10 points.
À PISA, la France se maintient dans la moyenne (474 contre 477 points pour l’OCDE), mais la tendance est préoccupante. Entre 2012 et 2022, les élèves français ont perdu 31 points, avec une baisse particulièrement marquée entre 2018 et 2022. Toutefois, cette diminution s’inscrit dans une dynamique plus large, puisque comme en mathématiques l’ensemble des pays de l’OCDE a connu un recul similaire.
L’éducation française, championne des inégalités socio-économiques
Si le bilan appelle à la nuance en matière de performance « moyenne » de la France, il en est tout autre en matière d’inégalités scolaires. C’est sur ce point que l’école en France apparait en fortes difficultés quelles que soient les évaluations considérées.
Les enquêtes internationales révèlent que l’origine sociale influence fortement la réussite scolaire en France. Dès le CM1, nous nous plaçons parmi les pays les plus inéquitables à l’école. Cela s’observe en regardant l’écart de score moyen entre les élèves les plus favorisés et les élèves les moins favorisés : il est de 72 points dans l’OCDE alors que celui de la France s’élève à 81 point (TIMSS). La situation est encore plus préoccupante en compréhension de l’écrit, avec une différence de 91 points entre ces deux groupes selon PIRLS.

À 15 ans, l’enquête PISA nous place toujours parmi les pires pays de l’OCDE en termes d’équité scolaire : l’écart de score entre les élèves favorisés et défavorisés atteint 112 points bien au-delà de la moyenne de l’OCDE (93 points). Bien que cet écart ait diminué de 10 points entre 2012 et 2022, l’OCDE estime que cela reste insuffisant pour parler de réelle amélioration. Ainsi, l’impact du statut socio-économique sur les performances scolaires demeure considérable en France, expliquant jusqu’à 21 % des écarts de scores entre les élèves. Seuls 5 pays sont plus inégalitaires que la France selon PISA.
L’école française, une école genrée
Le système éducatif français est également très inégalitaire entre filles et garçons. En CM1, la France est la dernière du classement sur l’inégalité de genre en mathématiques : les filles obtiennent en moyenne 23 points de moins que les garçons à l’évaluation TIMSS, un chiffre bien supérieur à la moyenne de l’OCDE (16 points). Si ces disparités persistent tout au long de la scolarité, elles tendent à s’atténuer progressivement : l’écart tombe à 11 points en 4ᵉ (TIMSS). L’enquête PISA replace la France en milieu de classement sur ces inégalités : l’écart entre les filles et les garçons est de 10 points à 15 ans (PISA), un score similaire à la moyenne de l’OCDE.


À l’inverse, en compréhension de l’écrit, les filles surpassent nettement les garçons à tous les niveaux scolaires mais la France se place plutôt dans la moyenne par rapport aux autres pays. Dès le CM1, elles affichent 14 points de plus que les garçons à PIRLS. A 15 ans, PISA met en avant un écart de 20 points en faveur des filles en compréhension de l’écrit, ce qui est moins que la moyenne de l’OCDE (24 points d’écart).
Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est l’aggravation des inégalités à l’école primaire. En moins de 10 ans, l’écart en défaveur des filles en mathématiques en CM1 est passé de 6 à 23 points, tandis qu’en compréhension de l’écrit, l’écart en leur faveur s’est creusé, passant de 8 à 14 points. Alors que la France aspire à une plus grande égalité entre filles et garçons, ces résultats montrent une évolution paradoxale, marquant un véritable retour en arrière sur la question des inégalités scolaires dès le plus jeune âge. Des efforts doivent donc être déployés pour neutraliser les stéréotypes de genre dans l’enseignement des différentes disciplines. Il est essentiel d’encourager aussi bien les filles que les garçons à développer leurs compétences en mathématiques comme en lecture, en veillant à ce que les attentes et les méthodes pédagogiques ne reproduisent pas inconsciemment des biais de genre

Poursuivre et renforcer les efforts pour une éducation plus équitable
En somme, de nombreux efforts restent à fournir pour améliorer les performances scolaires et réduire les inégalités. Une attention particulière doit être portée aux élèves en difficulté, qui sont bien souvent issus de milieux socio-économiquement défavorisés.
Mais comment faire évoluer le système éducatif français ? Quelles recommandations peut-on tirer de ces enquêtes internationales ? Quelles solutions mises en place chez nos voisins pourraient nous inspirer ?
Pour découvrir des pistes de solutions, consultez notre article : Les comparaisons internationales dans l’éducation (PISA, TIMSS, etc.) : quelles recommandations pour notre système éducatif ?
Sources :
- Conférence internationale du Conseil scientifique de l’éducation nationale « Les enquêtes internationales (Pisa, Timss, Pirls…) : quels enseignements pour l’éducation en France ? », mars 2025
- OCDE, Enquête PISA, 2022
- OCDE, Enquête PISA, 2018
- IEA, Enquête TIMSS, 2023
- DEPP, Note d’information n°24.47 « TIMSS 2023 en CM1 », 2023
- DEPP, Note d’information n°24.48 « TIMSS 2023 en quatrième pour les mathématiques », 2023