Lutter contre les inégalités dès la petite enfance : quelles politiques publiques promouvoir ?

« Les investissements qui renforcent les capacités parentales des familles sont le moyen le plus efficace de promouvoir la mobilité sociale et de garantir des opportunités pour tous » – James Heckmann, Prix Nobel d’Economie

 

500 mots, il s’agit de l’écart de mots maitrisés à trois ans entre un enfant issu de milieu aisé et un enfant issu de milieu précaire[1] : la reproduction des inégalités s’entame dès la prime enfance.

Pourquoi de tels écarts ? Un premier faisceau d’explications, intégré en partie dans les politiques publiques actuelles, tient à la moindre fréquentation des lieux d’accueil collectifs (crèches notamment) par les ménages défavorisés : 5% des enfants des familles modestes sont gardés en crèche contre 22% pour les familles les plus aisées[2]. Malgré tout, si les études confirment que fréquenter une crèche permet de réduire les écarts entre enfants de milieux précaires et de milieux aisés[3], elles soulignent aussi que cette fréquentation ne contribue à réduire que 30% des écarts, 70% de cet écart provenant du contexte familial. L’enjeu majeur réside donc dans la promotion de pratiques parentales propices au développement des enfants.

Quelles politiques publiques promouvoir alors ? La récente Commission des 1000 jours[4] émet quelques recommandations pour faire évoluer le cadre offert aux parents pour accompagner leurs enfants.

 

MIEUX INFORMER SUR LES RISQUES DE DEPRESSION MATERNELLE ET MIEUX LES PRENDRE EN CHARGE

Dans tous les pays du monde, le taux de dépression maternelle post natale varie entre 10 et 15%, avec un pic de fréquence à 2-4 mois et un autre à 6 mois. La dépression peut également survenir pendant la grossesse (20% des grossesses).  Si elles ne sont pas prises en charge rapidement, les dépressions périnatales entravent l’établissement d’un lien parents/bébé harmonieux et ajusté, un accordage affectif indispensable pour le devenir de l’enfant. Informer massivement sur ces troubles et proposer des méthodes de dépistage permettraient une prise en charge plus rapide des patientes qui en souffrent.

 

MIEUX ACCOMPAGNER LES PARENTS TOUT AU LONG DE LA GROSSESSE

Pour soulager les parents de la charge que représente le suivi d’une grossesse, la commission recommande de désigner pour chaque famille un « référent parcours », en charge de coordonner les soins, de faire le lien entre les différents professionnels et d’accompagner les parents pendant et après la grossesse. Ce référent pourrait être un médecin, une sage-femme etc. La commission préconise également de mettre en place des visites à domicile systématiques pour tous les enfants et parents avant et après la naissance.

 

ETENDRE LE CONGE PARENTAL

Il faut du temps, de la disponibilité et de la proximité physique et émotionnelle de la part des parents pour qu’ils construisent avec leur bébé une relation harmonieuse. Selon un rapport de l’IGAS, « l’intérêt de la prise en charge à l’extérieur du domicile parental pour les enfants de moins de 1 an est également très contesté : l’accueil hors du domicile des parents, s’il intervient à un trop jeune âge, pourrait avoir des conséquences défavorables pour l’enfant ».

Dans ce contexte, la commission propose de mettre en place un congé « parental » de 9 mois (36 semaines) partageable entre les deux parents, avec un niveau d’indemnisation suffisamment attractif, qui correspondrait à un montant minimum de 75% du revenu perçu quel que soit le statut. Cela permettrait à l’enfant de rester avec l’un ou l’autre de ses parents pendant toute la première année et d’intégrer ainsi un système d’accueil formel à 1 an.

 

ADAPTER LES LIEUX PUBLICS AUX ENFANTS

Dans l’espace public, dans les lieux de culture et plus généralement dans les lieux que fréquentent les parents, la commission recommande de mieux prendre en compte les besoins des enfants et de développer des espaces dédiés aux tous petits dans les bibliothèques, ludothèques, conservatoires, musées, gymnases etc. La commission propose également de soutenir les initiatives : festivals, musées, villes particulièrement engagées dans l’accueil du jeune enfant, en développant un label « bébé plus ».

 

 

 

[1] Hart B., Risley T. (2004), The Early Catastrophe, Education Review

[2] DREES (2017), Le choix de la crèche comme mode d’accueil, entre bénéfices pour l’enfant et adaptation aux contraintes

[3] Berger L.M, Panico L., Solaz A. (2021), The Impact of Center-Based Childcare Attendance on Early Child Development : Evidence From the French Elfe Cohort. Demography, Springer Verlag

[4] Cyrulnik et al. (2020), Les 1000 premiers jours, là où tout commence, Rapport remis au Ministère des Solidarité et de la Santé en Octobre 2020

 

 

Crédit photo : Jelleke Vanooteghem, Unsplash