
15 Mai 2025 Les évaluations internationales dans l’éducation : quelles recommandations pour notre système éducatif ?
Investir dans le métier d’enseignant
Face au constat alarmant des performances éducatives en France, notamment en matière d’inégalités socio-économiques, il devient impératif d’agir pour renforcer l’égalité des chances. Les enquêtes internationales, en comparant les systèmes éducatifs des pays participants, identifient des leviers clés favorisant la réussite scolaire. Quelles recommandations émergent de ces analyses ? Quelles pratiques innovantes mises en place à l’étranger pourraient inspirer notre système éducatif ?
Par ailleurs, le métier d’enseignant parait aujourd’hui peu attractif : à la rentrée 2024, environ 12 % des postes du secondaire étaient vacants, un chiffre variant considérablement selon les matières pour monter jusqu’à 21 % des postes en mathématiques et près de 40 % en lettres classiques ! Ce manque d’attractivité peut être en partie expliqué par des salaires d’entrée trop faibles, notamment pour les enseignants du primaire. En comparaison avec des pays au PIB similaire à celui de la France, les salaires des enseignants débutants français sont particulièrement bas : 32 619 € contre 69 599 € en Allemagne. Ainsi, il parait fondamental de revaloriser le métier au sein de la population et certaines approches adoptées dans par nos voisins peuvent être des sources d’inspiration :
À Singapour, la formation continue des enseignants est largement valorisée avec un programme de 100 heures de développement professionnel, axé sur les besoins individuels et financé par le ministère de l’Éducation. Ce programme inclut des interventions publiques et privées, ainsi que des échanges avec des enseignants étrangers. L’objectif est d’allier apprentissage basé sur la recherche et partage d’expertise. De plus, les enseignants sont incités à collaborer au sein de leurs établissements, lors de temps dédiés pour discuter de leurs pratiques et planifier ensemble.
En Irlande, la formation continue des enseignants repose largement sur le « Team Teaching ». Ce modèle consiste à former des binômes d’enseignants en fonction des compétences qu’ils doivent approfondir afin de mieux répondre aux besoins des élèves. L’observation mutuelle et les échanges de feedback sont au cœur du dispositif : un enseignant ouvre sa classe à un collègue, ce qui permet d’analyser et d’enrichir les méthodes d’enseignement en temps réel. Cette démarche encourage l’expérimentation, la prise de risques et l’adaptation des pratiques, tout en instaurant un dialogue professionnel constructif. L’enseignement en équipe s’est révélé être une solution efficace et peu coûteuse pour améliorer la réussite des élèves.
Renforcer notre capacité à accompagner les élèves en difficulté
On observe en France un constant inquiétant : 29% des élèves sont en difficulté selon PISA (contre 15% en Estonie), et il existe une forte corrélation entre le niveau social et le niveau scolaire : le statut social prédit 21% des résultats (contre 15% en moyenne dans l’OCDE). Cependant, très peu de dispositifs spécifiques sont mis en place pour prévenir le décrochage scolaire.
Prendre ce problème à bras-le-corps semble essentiel pour favoriser l’égalité des chances. Une solution clé serait d’accompagner les enseignants dans le développement d’approches plus personnalisées, afin de mieux répondre aux besoins des élèves en difficulté. Plusieurs pays, comme l’Estonie et le Maroc, ont mis en place des dispositifs innovants qui pourraient inspirer des évolutions en France. Leurs stratégies, alliant détection précoce des difficultés et accompagnement ciblé, offrent des pistes concrètes pour renforcer l’efficacité du soutien scolaire et réduire les inégalités.
Le Maroc, face à des résultats préoccupants (70% des élèves ne maîtrisant pas les fondamentaux) a développé la remédiation en s’inspirant du programme Pratham en Inde, qui consiste à assurer un suivi renforcé des élèves pour garantir qu’ils atteignent le niveau attendu. La stratégie adoptée consiste à détecter les difficultés en temps réel et à y remédier immédiatement, afin d’éviter que les retards ne s’accumulent. Des périodes de 6 semaines sont organisées, avec des évaluations de positionnement à la fin de chaque période. Un programme de soutien extra-scolaire est mis en place selon les besoins identifiés des élèves.
En Estonie, l’inclusion est fortement valorisée et passe par la gratuité presque totale de l’éducation. De la maternelle à l’enseignement supérieur, l’environnement scolaire est conçu pour promouvoir l’équité. Les repas scolaires, les manuels et les transports sont entièrement gratuits, et des services spécifiques, tels que le soutien psychologique, sont proposés sans frais aux élèves qui en ont besoin. Les activités extra-scolaires sont également encouragées, avec des écoles de loisirs financées et organisées par les municipalités. De plus, des programmes de soutien spécial sont proposés aux élèves en difficulté, tandis que des programmes d’approfondissement sont disponibles pour les plus doués. Grâce à ces mesures, l’Estonie se distingue parmi les meilleurs pays en termes d’équité sociale, avec un statut socio-économique ayant deux fois moins d’impact sur la performance des élèves que ce n’est le cas en France.
Un autre moyen d’améliorer le soutien aux élèves en difficulté consisterait à accompagner les enseignants pour favoriser le développement des compétences psycho-sociales et comportementales des élèves. En effet, les élèves français ont une faible perception du soutien de la part de leurs enseignants : près de 50% des élèves estiment que leur enseignant ne s’intéresse pas à leur progrès (contre 35% en moyenne dans l’OCDE). De plus, les élèves ont souvent une perception fataliste de leur intelligence : seulement 1 élève sur 2 pense que son intelligence peut évoluer, contre 42% dans l’OCDE. Il devient donc essentiel de renforcer l’engagement des enseignants envers leurs élèves et de promouvoir un environnement propice à la confiance en soi. La Corée du Sud a placée la collaboration au cœur de son parcours scolaire et présente aujourd’hui une source d’inspiration :
En Corée du Sud, la collaboration et la coopération sont au cœur du programme éducatif, représentant 71% des contenus dans l’ensemble des programmes. Les élèves participent activement à leur apprentissage et collaborent avec leurs enseignants. Plusieurs méthodes innovantes sont utilisées, comme le « Flipped Classroom », où les élèves préparent leurs leçons à la maison (en visionnant des vidéos ou en lisant des contenus), libérant ainsi du temps en classe pour des discussions et la résolution de problèmes, ce qui leur permet d’apprendre à leur propre rythme. Le « Team-Based Learning », quant à lui, divise les élèves en petites équipes pour résoudre des tâches complexes ensemble. Ces approches transforment les élèves d’acteurs passifs en participants actifs, ce qui a un impact positif sur leurs compétences psycho-sociales et comportementales, créant un cercle vertueux d’apprentissage.
Renforcer le lien parents-écoles
Développer l’implication des parents au sein des établissements scolaires est un levier essentiel pour optimiser l’apprentissage des élèves. Leur engagement pourrait améliorer les résultats jusqu’à 26 points à PISA. Pourtant, en France, cette implication reste faible : seuls 25 % des parents suivent activement les progrès de leur enfant, et cet investissement est en baisse puisqu’il était de 35 % en 2018. Ce phénomène touche particulièrement les familles défavorisées, souvent freinées par un sentiment de stigmatisation dans l’environnement scolaire, un manque de repères ou un sentiment d’illégitimité face aux enseignants. Il devient donc crucial de renforcer le dialogue école-famille pour améliorer la réussite scolaire et le bien-être des élèves.
En Finlande, les parents sont encouragés à discuter avec les enseignants dès la maternelle, favorisant ainsi une véritable collaboration et une implication précoce. Ce modèle repose sur une communication ouverte : les parents et les professionnels de la petite enfance échangent régulièrement et partagent des idées sur les progrès de l’enfant. Cette pratique renforce l’implication des familles dans la scolarité de leurs enfants et contribue à la valorisation du métier d’enseignant au sein de la société.
En France, le professeur Jérémie Fontanieu a développé la méthode « Réconciliation » afin de renouer le dialogue entre l’enseignant et le parent. Chaque semaine, l’enseignant envoie un SMS aux familles pour les informer de l’évolution de leur enfant en classe. Cette approche transforme la relation école-maison en un échange plus horizontal et collaboratif, brisant la posture strictement descendante de l’enseignant. Elle impacte également l’élève, qui devient plus engagé dans sa scolarité grâce à l’implication de ses parents. Depuis 2017, cette méthode a prouvé son efficacité avec un taux de réussite de 100 % au baccalauréat.
En somme, plusieurs leviers peuvent être activés pour améliorer l’apprentissage des élèves, et de nombreux modèles internationaux ont déjà prouvé leur efficacité. La France doit donc s’inspirer de ces bonnes pratiques en tenant compte de son propre contexte afin de renforcer la performance scolaire et de garantir une plus grande équité au sein de son système éducatif.
Sources :
- Conférence internationale du Conseil scientifique de l’éducation nationale « Les enquêtes internationales (Pisa, Timss, Pirls…) : quels enseignements pour l’éducation en France ? », mars 2025
- OCDE, Enquête PISA, 2022
- IEA, Enquête TIMSS, 2023
- DEPP, Note d’information n°24.47 « TIMSS 2023 en CM1 », 2023
- DEPP, Note d’information n°24.48 « TIMSS 2023 en quatrième pour les mathématiques », 2023
- Romuald Normand, « La méthode de Singapour : comment sont formés les enseignants en mathématiques ? »
- Finn O’Murchu, « Team Teaching in Ireland », European Commission
- « Innovative Teaching Methods in the Korean Education System », 2023
- Maguelone Peuchnot, « Avec sa méthode « Réconciliations« , Jérémie Fontanieu place les parents au cœur de la réussite scolaire de leurs enfants », RCF Radio, 2024