« Inégalités : la crise sanitaire, ses privilégiés et ses oubliés » (Le Monde – 03/06/21), « Epargne, patrimoine, pauvreté : une année riche en inégalités en France » (Libération – 02/06/21)… pas une semaine ne s’écoule en France sans qu’un article de presse portant sur les inégalités ne soit publié. Mais de quoi parle-t-on réellement ? Que sont les inégalités ? Et surtout, comment sont-elles mesurées ?

Les inégalités monétaires

Parmi les inégalités monétaires, on dissocie les inégalités de flux (qui concernent les revenus) et les inégalités de stock (qui concernent le patrimoine).

Inégalité de flux : les revenus 

L’indicateur de référence pour mesurer les inégalités de revenus en France, c’est le ratio Palma. En effet, ce ratio permet de comparer d’un coup d’œil les revenus perçus par les 10% les plus aisés aux revenus perçus par les 40% les moins aisés.

Quelle est l’utilité du ratio Palma ?

Il permet de mettre en avant le rapport entre les haut et bas revenus. Plus le ratio est bas, plus le pays est égalitaire ! Il est utile notamment pour comparer la situation de la France avec celle d’autres pays, une position intermédiaire en l’occurrence : moins inégalitaire que les pays latins et anglo-saxons, mais plus inégalitaire que les pays nordiques et scandinaves.

Quelle était la situation il y a 20 ans ? Il y a 50 ans ? Répondre à cette question permet de se rendre compte des progrès accomplis ou non. C’est alors l’évolution de ce type d’indicateur qui doit attirer notre attention.

Pendant la période d’après-guerre, les inégalités de revenus ont eu tendance à se réduire. Cependant, depuis une trentaine d’années, on connaît un nouvel accroissement des inégalités. La part de la population avec le niveau de revenus le plus faible étant la plus touchée par la vague de chômage partiel et de licenciements économiques provoqués par la crise sanitaire, une augmentation de cet écart est à craindre dans les prochaines années.

Inégalité de stock : le patrimoine

Le patrimoine, c’est l’ensemble des biens qu’une personne possède, incluant les droits et les actions. Pour appréhender ce type d’inégalités, il suffit d’analyser la concentration du patrimoine parmi la frange de la population la plus fortunée :

16%
Les 1% les mieux dotés en patrimoine possèdent 16% de la masse totale de patrimoine brut.
33%
Les 5% les mieux dotés en patrimoine possèdent 33% de la masse totale de patrimoine brut.
46%
Les 10% les mieux dotés en patrimoine possèdent 46% de la masse totale de patrimoine brut.

Ces inégalités de stock sont déterminantes ! En effet, c’est en grande partie par le biais de la transmission de patrimoine (à travers l’héritage) que ces inégalités se reproduisent au fil du temps et des générations.

Ces inégalités monétaires sont la partie visible de l’iceberg. En découlent en réalité de nombreuses autres inégalités souvent ignorées, car moins facilement mesurables. Il s’agit des inégalités sociales.

Les inégalités sociales

Les inégalités par rapport à la santé

Selon l’INSEE, l’espérance de vie varie en fonction du niveau de vie :

3.3

En moyenne, l'espérance de vie des 5% des femmes les plus pauvres est de 80 ans, contre 83,3 ans pour les 5% des femmes les plus riches, soit un écart significatif de 3,3 ans.

12.7

En moyenne, l'espérance de vie des 5% des hommes les plus pauvres est de 71,7 ans, contre 84,4 ans pour les 5% des hommes les plus riches, soit un écart encore plus significatif de 12,7 ans.

Un écart qui glace le sang… quelles en sont les causes ?

Les difficultés financières rencontrées peuvent expliquer un accès plus restreint aux différents services de santé et de soin.  Les conditions de travail sont aussi en cause, puisqu’elles affectent négativement la santé des individus. Par exemple, les ouvriers, agriculteurs et autres artisans, effectuent des tâches physiquement éprouvantes qui ont, à terme, des conséquences sur leur santé. Enfin, les conditions de vie au quotidien ont une influence sur la santé des ménages, y compris les conditions de logement…

Les inégalités face au logement 

33%
Environ un tiers des 10 % des ménages les plus pauvres vivent dans un logement surpeuplé (contre seulement 2 % des 10 % des ménages les plus aisés).

Une des premières conséquences des difficultés à trouver un logement adapté est le problème de surpeuplement pour les familles les plus défavorisées.

Quels peuvent être les problèmes liés au surpeuplement ?

La promiscuité et le bruit ont des conséquences directes sur la difficulté à faire ses devoirs, à bien dormir, ou même à travailler en cette période de crise sanitaire, qui a contraint énormément d’actifs à improviser un nouveau bureau de travail chez eux. On peut ajouter à ça la situation de précarité énergétique qui touche 12% des français selon l’ONPE (Observatoire National de la Précarité Énergétique) : en effet, ils sont nombreux à rencontrer des difficultés à satisfaire leurs besoins énergétiques élémentaires. Inévitablement, vivre dans ces conditions s’avère être un handicap pour un jeune lorsqu’il s’agit d’être concentré sur un projet d’avenir : moins de temps et moins d’énergie à consacrer à une réussite académique et professionnelle.

Les inégalités face à l’éducation

En dépit d’un processus de massification scolaire qui s’est développé à partir des années 1960, les jeunes issus de milieux défavorisés sont victimes d’inégalités dans l’accès aux formations sélectives.

Même avec l’école gratuite et accessible à tous, comment et pourquoi ces inégalités persistent-elles ?

On observe une sur-représentation des étudiants issus de classe sociale favorisée dans les grandes écoles. En effet, 64% des jeunes issus de milieux favorisé suivent des hautes études, alors qu’ils ne représentent que 23% de la population.

Ce phénomène vient en partie du fait que le système scolaire français est un des plus inégalitaires parmi les membres de l’OCDE : les filières sélectives, accessibles après le Bac et pratiquant une sélection d’entrée, favorisent souvent la reproduction des inégalités. Les enfants de cadres supérieurs et de professions intellectuelles ont bien plus de chance de passer ces sélections que les enfants d’ouvriers.

Quelles conséquences ?

En France, le diplôme conditionne en grande partie l’insertion professionnelle d’un jeune, et donc son futur statut social. Les inégalités en matière d’éducation, une fois quittés les bancs d’école, deviennent alors des inégalités économiques et sociales que certains vont subir tout au long de leur vie.

Il s’agit d’un des mécanismes majeurs du déterminisme social, que Break Poverty tente d’enrayer en accompagnant les jeunes en situation de pauvreté dans leur orientation et leur insertion professionnelle. C’est notamment le cas de l’opération Réussite Connectée : elle vise à fournir un ordinateur, une connexion Internet, ainsi que l’accompagnement d’un mentor aux jeunes défavorisés. L’idée étant simple : venir en aide à ceux dont la poursuite d’études est semée d’embûches.

Crédits photos : Michael Mims, Unsplash